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Les livres nous relient.
Ce site a pour objet d'établir des liens multiples et entrecroisés entre les livres, ceux qui les lisent et ceux qui les écrivent. GB
CHRONIQUES LITTERAIRES - Ouvrages des auteurs de F à L
![Capture d’écran 2017-06-09 à 07.27.02.pn](https://static.wixstatic.com/media/4417f1_71b67bb61e374e979e7c0031e8d3c324~mv2.png/v1/fill/w_175,h_279,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/Capture%20d%E2%80%99%C3%A9cran%202017-06-09%20%C3%A0%2007_27_02_pn.png)
William Faulkner, TANDIS QUE J’AGONISE, roman.
L’auteur et son œuvre
William Faulkner (1897-1962) Romancier américain de l’état du Mississipi. Également poète et scénariste. On considère qu’il a écrit les plus grands chefs d’œuvre de la littérature universelle notamment : Le Bruit et la Fureur (1929), Tandis que j'agonise (1930), Sanctuaire (1931), Lumière d'août (1932) et Absalon, Absalon ! (1936)
Le contenu
Faulkner raconte ici un voyage funéraire tragi-comique qui dure dix jours. L’histoire se situe dans la campagne profonde du Missssipi au début du XXème siècle. Le corbillard est une charrette tirée par des mules. La défunte est une mère de famille. Son mari ainsi que ses cinq enfants l’accompagnent. Ce sont des paysans pauvres, désemparés et dignes, résignés et entêtés ; terre à terre et idéalistes ; stupides et courageux. Le père s’est engagé à respecter la volonté de sa femme qui a demandé qu’on l’inhume dans le caveau familial distant de cinquante kilomètres auprès de « ceux de sa chair et de son sang», dans un cercueil fabriqué par son fils. (Mourante, elle suit toutes les étapes de la fabrication du cercueil par la fenêtre de sa chambre.) La mère meurt au moment où des pluies diluviennes s’abattent sur le pays. Lorsque le convoi funèbre peut enfin partir il est trop tard : les ponts ont été arrachés sur la rivière en crue. Ils doivent faire un long détour pour tenter de traverser à gué. Ce voyage funéraire est une succession de catastrophes qui s’enchainent avec une régularité infernale.
Pourquoi lire « Tandis que j’agonise » ?
Parce qu’il parle de la foi, de la culpabilité « originelle » et de la résignation « Le Vieux Maître prendra soin de moi comme d’un moineau tombé du nid. » « C’est du Seigneur que tout arrive. »
Parce qu’il parle de l’amour « Je sens mon corps, mes os, ma chair, qui commencent à se séparer, à s’ouvrir pour livrer passage à la solitude ; et devenir quelqu’un qui n’est plus seul est une chose terrible. »
Parce qu’il parle de l’orgueil de la dignité du respect de la parole donné
« Je n’veux être redevable à personne, dit notre père, Dieu le sait. ». « Avec ce terrain de famille à Jefferson et tous ceux de son sang qui l’attendent là-bas, elle sera impatiente. J’lui ai promis que moi et les gars on la conduirait aussi vite que nos mules peuvent marcher pour qu’elle puisse reposer en paix. »
Parce que ce roman est aussi un livre de philosophie. Faulkner nous montre que sous l’imbécillité crasse l’esprit demeure « Je suis l’élu du Seigneur car celui qu’Il aime, Il sait aussi le châtier. Pourtant, c’est pas pour dire, mais je trouve qu’il emploie de drôles de moyens pour le prouver. »
Parce que ce roman est empreint de poésie. « Comme nos vies se défont dans le vide et le silence ! Gestes las qu’avec lassitude on répète : échos d’appels séculaires tirés par des bras sans mains d’instruments sans
cordes : au coucher du soleil, nous prenons des attitudes furieuses avec des gestes morts de poupée. »
![Capture d’écran 2017-06-09 à 17.30.38.pn](https://static.wixstatic.com/media/4417f1_92c4b904a8cb441f8434741a0bada4b9~mv2.png/v1/fill/w_184,h_304,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/Capture%20d%E2%80%99%C3%A9cran%202017-06-09%20%C3%A0%2017_30_38_pn.png)
Philippe FOREST « SARINAGARA », roman.
L’auteur et son œuvre
Né en 1962 Philippe Forest est docteur ès lettres. Il a enseigné en Angleterre puis en France. Il a écrit de nombreux essais sur la littérature : « La beauté du contresens » (2005) ; « Le roman, le réel » (2007) ainsi que des romans marqué par l’expérience du deuil (il a perdu sa fille de 4 ans.)
Le contenu
Dans Sarinagara, Philippe Forest nous fait traverser quatre villes, Paris, Kyôto, Tôkyô, Kobé et rencontrer trois artistes, un poète, Issa ; un écrivain, Sôseki ; un photographe, Yamahata. Le fil conducteur de ces histoires entrecroisées c’est la mort d’un enfant. Philippe Forest, Issa et Sôseki ont tous vécu ce drame. Quant à Yamahata il a été le premier à avoir photographié Nagasaki après la bombe. Sa photo d’une mère allaitant un enfant au milieu des décombres a fait le tour du monde et a marqué touts les esprits. C’est à la confluence de ces villes et dans l’entrecroisement de ces fragments biographiques que se tisse le sens de ce livre qui n’a rien de morbide. S’il est pessimiste sur la nature de la vie il est profondément optimiste sur le désir de vivre. Le titre exprime bien ce désir qui est aussi une volonté. Sarinagara qui, en japonais, signifie « pourtant » est un mot extrait d’un haïku d’Issa.
Je savais ce monde/éphémère comme rosée/et pourtant pourtant…
Pourquoi lire « Sarinagara » ?
Pour voyager et faire des rencontres.
Philippe Forest écrit : « Le hasard m’avait conduit de l’autre côté de la terre pour m’offrir une révélation inutile venue simplement vérifier la forme de mon savoir le plus ancien. » À son retour, après ses six mois d’absence, il découvre un miroir brisé dans sa salle de bains. « L’empreinte faisait comme une fenêtre ou même une porte étrange n’ouvrant sur rien et devant laquelle, pourtant, je me tenais comme s’il y avait un autre côté, un passage conduisant vers un lieu où peut être quelque chose ou quelqu’un m’attendait encore. » Tout voyage est un miroir brisé. Les authentiques voyageurs « accomplissent tous et sans le savoir vraiment la grande et héroïque aventure qui a fait la terre une et qui a rapproché tous les continents de la pensée. »
Pour lire la réalité du monde sa souffrance et tenter de l’exorciser.
La souffrance de l’Homme est universelle, elle est partout le même : « Le geste immémorial du sein qu’elle donne, l’abandon confiant de l’enfant dans ses bras, l’incompréhensible impression de force qui se dégage des deux corps tendrement serrés l’un contre l’autre, leur intègre et singulière beauté disent encore leur désir entêté de survivre. » « Traversant toute la nappe impensable du temps il revenait vers elle non pas l’enfant lui-même […] mais l’enfant irrémédiablement perdu […] cet enfant-là était infiniment précieux, […] rien ne justifierait jamais son effacement horrible. »
![Capture d’écran 2017-07-19 à 09.44.45.pn](https://static.wixstatic.com/media/4417f1_ce21dfcc2fda431abf812d8ea34cb5e3~mv2.png/v1/fill/w_185,h_268,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/Capture%20d%E2%80%99%C3%A9cran%202017-07-19%20%C3%A0%2009_44_45_pn.png)
Caroline FOUREST, Génie de la laïcité, essai, 2016
Née en 1975 Caroline Fourest est une journaliste, réalisatrice, essayiste engagée sur de nombreux fronts dont le féminisme, l’homosexualité (elle découvre son homosexualité à l’adolescence), la laïcité, les religions, l’islamisme. Son combat quotidien est la lutte contre « la tentation de l’obscurantisme » (titre de l’un de ses livres) contre l’intégrisme religieux et l’extrémisme politique.
Que dit ce livre ?
Le totalitarisme théocratique de ce début du XXIème siècle crée une pesanteur monstrueuse qui tire la civilisation vers les bas-fonds nauséeux de l’obscurantisme. Ce livre salutaire à plus d’un titre veut nous libérer de cette menace et nous redonner le goût des Lumières. Voici quelques points qu’il aborde.
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Savoir et croire ne sont pas de même nature.
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Savoir n’interdit pas de croire et réciproquement.
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Depuis 1905 l’Eglise et l’Etat sont séparés. La politique n’est plus l’affaire des religieux mais celle des politiques et des citoyens.
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L’Education Nationale est laïque.
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La coexistence pacifique de toutes les communautés unies au sein de la république où il y a pour toutes une égalité de droits et de devoirs n’a rien à voir avec le « communautarisme » dans lequel chaque communauté se comporte comme si elle était seule en faisant valoir des spécificités souvent rejetées par les autres.
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La laïcité ne s’oppose pas aux religions, elle les respecte toutes mais elle leur interdit de faire leur promotion dans l’espace public laïque
Ce livre est l’antidote de cet autre livre qui dit en substance que le Prophète est le chef suprême, le Coran la constitution, le Djihad la voie. Cela dit, Caroline Fourest montre et démontre que non ! la laïcité n’est pas islamophobe pas plus qu’elle n’est antisémite ou anticatholique ou antiprotestante ou opposée à une religion quelle qu’elle soit. Elle défend simplement mais énergiquement le respect de toutes les religions, ainsi que le respect de l’athéisme, de l’agnosticisme dans le cadre des Lois de la République. « Dans un monde longtemps dominé par les théocraties, rares sont le nations qui ont su s’émanciper du joug politico-religieux » écrit Caroline Fourest. La France occupe une place de leader parmi ces quelques nations : on doit en être fiers. Cet ouvrage nous fait également comprendre que les conditions politiques ne sont pas les mêmes partout dans le monde « Les Etats-Unis se sont placés sous la protection de Dieu pour rester unis. La France a dû remettre Dieu à sa place pour rester une république. » Ces différences historiques rend parfois la lecture du présent d’un pays difficile pour l’autre pays et inversement.
Il faut lire ce livre…
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Pour comprendre de toute urgence et arguments à l’appui que la liberté, l’égalité, la fraternité ne sontpas des vains mots en France et que la laïcité est garante de la cohésion sociale.
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Pour prendre conscience que l’unité sociale est fragile et toujours menacée par des communautés ou des individusqui sous prétexte de défendre leur liberté empiète sur celle des autres et ne se gêne pas pour se battre bec et ongle et parfois, bien pire à la kalachnikov, afin d’obtenir par la terreur un statut de dominant.
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Pour étudier avec Caroline Forest les différentes pistes et perspectives afin de construire et d’étayer en permanence cette valeur qu’est la Laïcité.
Un dernier point…
Qui observe un peu le regard et le sourire de Caroline Fourest ne peut que lui trouver une certaine ressemblance avec le regard et le sourire d’un certain Voltaire. Voltaire l’apôtre des Lumières… Une coïncidence ?
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TERRES FAUVES de Patrice Gain
Patrice Gain est né en 1961. Professionnel de la montagne, ingénieur en environnement il est auteur de plusieurs romans dont un primé.
Ce livre raconte l’histoire d’un homme qui devient aventurier sans vraiment le vouloir. En effet quoi de commun entre un écrivain paisible et un chasseur d’ours en Alaska ? C’est la question que pose, entre autres, le roman en laissant au lecteur le soin de répondre. Plusieurs autres questions sont posées. Comment se sortir des pièges de la nature humaine ? Comment se sortir des pièges de la nature sauvage ? Des pièges des humains ou des pièges de la nature lesquels sont les plus pervers, lesquels les plus dangereux ?
« L’Alaska était le dernier endroit après l’enfer où j’avais envie de mettre les pieds et de surcroît je détestais prendre l’avion. »
Terres fauves est un roman d’aventure prenant et haletant où il se passe quelque chose à tout instant mais c’est aussi, le mot peut sembler incongru ici, une sorte de méditation sur les êtres humains, sur leur propension au mal et au bien, sur leur capacité à haïr et à aimer, à être moraux ou immoraux, alors que, ne connaissant ni le bien ni le mal, n’ayant aucun don ni pour aimer ni pour haïr, la nature ne peut être qu’amorale.
« Sur la plage un ours jouait avec mon canoë jaune. Un ours énorme à la couleur fauve. Sa fourrure ondulait par vagues au gré de ses mouvements, comme les hautes herbes des prairies avant l’orage. […] Quand la canoë a filé comme une savonnette sur les eaux de la baie il l’a regardé s’éloigner d’un air un peu surpris […] Je sentais une force de succion me tirer vers le fond. »
Qui écrit choisit une forme d’écriture adaptée à ce qu’il écrit. On peut dire, quand le choix est bon que la forme devient le fond et le fond la forme. Dans Terres fauves, Patrice Gain utilise des phrases brèves quand les événements se succèdent à un rythme soutenu. Quand, à l’inverse le cours de l’histoire se ralentit ses phrases s’allongent.
« J’étais au beau milieu d’une falaise vertigineuse, un mur ocre, lisse et légèrement déversant, debout sur une marche pals plus grosse qu’un carton à chaussures. […] Après d’affreuses minutes je basculais dans le vide. Peut-être bien que je m’y jetais. C’était le paroxysme de ma terreur. Une sorte de délivrance aussi. ».
Ce livre est à lire parce qu’il nous fait rêver et penser en nous faisant voyager et vibrer ce qui devrait être l’objectif de tous les livres
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« UN JOUR » roman de Maurice GENEVOIX
Maurice Genevoix (1890-1980) Prix Goncourt en 1925. Élu à l’Académie Française en 1946. Son œuvre est liée à la Nature. Blessé pendant la guerre de 14-18 il a connu la souffrance et la mort. Son écriture souvent lyrique est toujours d’une grande clarté.
« Un jour » raconte la journée que passe l’écrivain avec son voisin, ancien militaire et propriétaire terrien. Les deux hommes parlent de la terre de la nature ainsi que de la beauté et de la dureté de la vie. Les sujets traités par les deux hommes - la forêt, les arbres, les étangs, les bêtes sauvages, la chasse, la vie paysanne, la communion avec le milieu naturel - sont à des années lumière de nos préoccupations contemporaines liées à l’urbanisation croissante et conditionnées désormais par le numérique et l’informatique. Le lien ancien avec la nature dont ils parlent se retisse aujourd’hui sous une forme nouvelle via l’écologie et via un nouvel humanisme moins exclusif qui repense les relations de l’homme et de l’animal au sein de la globalité qu’est le monde vivant.
Lire ce livre paru en 1976 nous fait nous interroger sur les changements intervenus en un demi siècle et par ricochet sur les changements futurs. Les sociétés et les hommes ne sont jamais les mêmes. Leur « état » n’est jamais stable ils ne sont que mouvement et évolution.
Ce dialogue n’est pas un échange de souvenirs vains. Il s’agit d’un récit qui s’inscrit dans la grande Histoire par le truchement de la petite histoire. Le mot « consentement » revient souvent dans la bouche du narrateur. Consentement à la nature et à son énergie, consentement à la vie avec en en même temps une résistance farouche contre tout ce qui dénature et ce qui fait glisser l’homme de l’être vers l’avoir et le paraître.
« L’essor brusque d’un ramier dans les cimes, le déboulé d’un garenne hors d’un roncier le saut rebondissant d’un écureuil dans la perspective de l’allée […] Je marchais inconscient de l’heure et presque de ma propre vie je veux dire : de ses traverses, des liens humains où elle s’était prise et de leurs déchirures qui saignaient […]Si j’eusse été capable d’un lucide retour sur moi, ce n’eût été peut-être que pour assimiler ce consentement à un obscur et paradoxal bonheur. »
« C’est qu’en cette seconde où je suis avant celle où je vais être je suis toute ma mémoire, celle qui sait plus de choses que j’en ai assimilé. Ce jour que nous vivons ensemble [enrichira] pour vous, pour moi, le patrimoine intérieur où il viendra naturellement s’intégrer. »
« Je suis partial pour ce qui vit tout ce qui vit mais cela va sans dire pour les vivants de mon espèce, pour les hommes. À tel instant c’est un arbre qui m’exaltera, l’instant d’après un animal deviendra pour moi l’univers. »
« Une longue vie pour devenir un homme et ce n’est jamais achevé. […] Il n’y a pas de mort pour le passant qui s’est perçu vivant. […] Je suis dans l’univers entier et je suis de tous les temps. »
Il faut lire Maurice Genevoix pour se rappeler que nous sommes consubstantiellement liés à la Nature dont nous ne sommes qu’un élément non indispensable. La Nature est pérenne et l’Homme volatile Si le lien avec la Nature venait à trop se distendre et à se rompre ce n’est pas la Nature qui serait condamné à mort mais l’Homme.
Pour éclairer ce propos sous un autre angle lire le très contemporain « Homo deus » de Harari.
![Capture d’écran 2018-12-29 à 09.47.04.pn](https://static.wixstatic.com/media/4417f1_7495fff3d98f4409bca5149e255664a1~mv2.png/v1/fill/w_196,h_280,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/Capture%20d%E2%80%99%C3%A9cran%202018-12-29%20%C3%A0%2009_47_04_pn.png)
Raphaël GLUCKSMANN, Les Enfants du vide
Raphaël Glucksmann né en 1974 est un analyste et essayiste politique. Il a animé des émissions politiques à la radio, à la télé il a eu des missions de conseil au Rwanda, en Tchétchénie, en Ukraine. Il a fondé « Le Nouveau magazine littéraire » qu’il a quitté ensuite. Il est l’un des fondateurs, fin 2018, d’un nouveau parti « Place Publique » dont les objectifs sont l’écologie, le social, la démocratie et l’Europe.
« Les Enfants du vide » est à lire d’urgence par tous ceux et celles qui, se préoccupant de l’état de notre société, las d’être vindicatifs et aigres, veulent jouer un rôle dans son évolution. Ce livre a deux grandes vertus Il expose des problèmes complexes de façon simple et concrète et, après avoir établi le diagnostic il préconise une thérapie. Le sous-titre exprime bien cette double ambition.
« De l’impasse individualiste au réveil citoyen. »
Le diagnostic.
La politique est polluée, « corrompue » par l’économie et, bien pire, par la finance. Les multinationales et les banques sont plus puissantes que les États. Plus puissants que les économistes les financiers n’ont pas pour objectif le bien public mais l’enrichissement personnel des riches. La conséquence de ce comportement est l’explosion scandaleuse des inégalités : les riches deviennent de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres.
Le pouvoir des technocrates est croissant et symétriquement les élus sont de plus en plus impuissants.
Notre société a glissé de l’utopie collectiviste qui a échoué à l’utopie de la démocratie libérale qui n’est plus ni démocratique ni libérale, et elle n’est plus qu’un rassemblement d’égo sans empathie : c’est la régression à la loi de la jungle.
Le vide de l’intérêt commun qui se crée aspire les électeurs vers un autre vide celui du nationalisme, le repli sur soi semblant être la panacée à tous les maux. Au lieu du cosmopolitisme fédérateur on a multiculturalisme diviseur. Il n’y a plus de peuple mais un assemblage bricolé de groupes ethniques ou (et) religieux tous fermés sur eux-mêmes.
La thérapie.
Le citoyen n’est pas qu’un électeur mais « un acteur du gouvernement de la cité.»
Pour donner la possibilité à chaque citoyen les moyens de devenir « acteur » l’État doit instaurer un revenu universel et un service civique universel
La « cité » doit tracer une frontière entre les sphères privée et publiques pour éviter toute « dérive vers l’oligarchie. »
« L’État-nation n’a pas le monopole de la légitimité démocratique » Les contours de la souveraineté doivent être définis notamment via les corps intermédiaires : associations, syndicats etc.
L’impôt n’est pas une question technique mais politique ; l’impôt doit traduire un « pacte social » visant la « création d’une société écologique et solidaire. »
« Nous sommes les enfants du vide. [… ] Nous savons que les anciennes idéologies, les vieux partis, les antiques structures ne nous aideront pas en sortir. Mais … Nous savon vers où aller et comment y aller Nous avons quel horizon esquisser et quelle route emprunter. Nous savons ce qu’il nous reste à faire. Nous en sommes capables. »
![Capture d’écran 2018-12-21 à 10.10.41.pn](https://static.wixstatic.com/media/4417f1_3722e23f5c344f05aba9f061556ee7bf~mv2.png/v1/fill/w_191,h_251,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/Capture%20d%E2%80%99%C3%A9cran%202018-12-21%20%C3%A0%2010_10_41_pn.png)
LE RIVAGE DES SYRTES de Julien GRACQ
Julien Gracq (1910-2007) En marge des courants dominants de l’époque (l’existentialisme pour la philosophie, le nouveau roman pour la littérature) il écrit des romans puis par la suite des essais sur la littérature ainsi que des méditations philosophiques. Son indépendance vis à vis de la contemporanéité lui a permis de construire une œuvre originale et à jamais moderne.
Un style spécifique
La phrase de Julien Gracq est enveloppante comme l’emballage d’un cadeau qu’on ouvre lentement pour s’apercevoir très vite que contenu et contenant ne font qu’un. Chez Gracq on voit que la forme est consubstantiellement liée au fond. Gracq use des comparaisons sans modération ce qui crée une enfilade sans fin d’images. La beauté de l’écriture de Gracq se trouve autant dans les images éclairées par le réel que dans le réel qu’éclairent les images.
L’histoire
Paru en 1951 « Le Rivage de Syrtes » n’est pas sans rappeler « Le Désert des Tartares » paru en 1940. C’est une histoire de soldats sans guerre donc d’êtres sans raison d’être. Elle montre le sommeil d’un État qui ne désire pas se réveiller car il a peur autant de la paix que de la guerre. L’ État d’Orsenna est en guerre depuis trois siècles avec le Farghestan un pays « qui fait face aux territoires d’Orsenna par delà la mer des Syrtes » Cette guerre s’est éteinte sans signature de traité de paix. C’est sur la question de cette paix qui n’a jamais été officialisée et donc de cette guerre latente que le récit s’articule. Le signal de l’éveil est donné par Aldo un observateur envoyé sur le point le plus avancé du territoire. Aux commandes de son navire il passe la ligne autorisée ce qui donne lieu à trois coups de canon du Farghestan. On ne sait si ces coups de canon presque anodins sont un simple rappel à l’ordre établi, une sorte de signe sonore narquois et peut-être même souriant ou alors les trois coups d’un nouvel épisode guerrier qui commence. Ces coups de canon secouent l’État d’Orsenna, le sort de sa léthargie et lui fait se poser une question. Y-a-t-il une vraie menace et un réel danger ? Se réveille-t-il de son sommeil pour le meilleur ou pour le pire ? On le découvre en lisant le livre.
Quelques citations éclairantes…
Dans la chambre des cartes…
« Un bruissement léger semblait s’élever de cette carte, peupler la chambre close de son silence d’embuscade. »
À propos de l’enlisement entre la guerre et la paix.…
« On sentait que trois siècles de corvées anonymes s’étaient relayés, absorbés à leur tour dans l’anonymat de sables, pour égaliser là le lieu du parfait effacement. » « Les équipages d’Orsenna ne sont pas voués de tout éternité au sarclage des pommes de terre ».
Un mot sur la mise en mouvement et sur le passage de la ligne interdite
« Et maintenant dis-moi Aldo (…) qu’est ce que tu veux aller voir de si près ? Ce que je voulais n’avait de nom dans aucune langue. Être plus près. Ne pas rester séparé. Me consumer à cette lumière. Toucher ! »
![Grumberg .png](https://static.wixstatic.com/media/4417f1_5db89b34d4584e69ba1f10b69c29208d~mv2.png/v1/fill/w_184,h_290,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/Grumberg%20.png)
LA PLUS PRÉCIEUSE DES MARCHANDISES
de Jean-Claude GRUMBERG
Jean-Claude- GRUMBERG, né en 1939 est dramaturge, scénariste et écrivain. Il a reçu de nombreux prix dont des Molière en tant que scénariste et auteur. Prix SACD en 1999 pour l’ensemble de son œuvre. Il a collaboré au cinéma avec François Truffaut, Costa Gravas, Robert Enrico.
Ce récit se réfère au Petit Poucet, conte pour enfant dans lequel on voit un bûcheron et une bûcheronne abandonner leur enfant dans la forêt. Pour Jean-Claude Grumberg, que des parents abandonnent leurs enfants est monstrueux et inconcevable. Il nous raconte donc l’histoire inversée du Petit Poucet. L’enfant ici n’est pas perdu mais trouvé. Néanmoins, on trouve tous les ingrédients du conte : le bûcheron, la bûcheronne, la forêt et l’enfant qui ici est une toute petite fille. Ce bébé est en quelque sorte jetée comme une marchandise précieuse d’un train qui traverse la forêt pour aller vers les camps de la mort. Ce précieux paquet emballé dans un châle « brodé d’or et d’argent » est récupéré par une pauvre bûcheronne.
Nous assistons à l’opération de sauvetage de l’enfant : « aussi vite que la neige le lui permet elle se précipite sur le petit paquet […] Puis avidement fébrilement elle défait les nœuds comme on arrache l’emballage d’un cadeau mystérieux. » Nous voyons au fil des pages tout ce qu’il faut de détermination, de ruse et de courage à la bûcheronne pour assurer la survie de l’enfant. Non seulement elle doit se battre dans des conditions extrêmement difficiles au milieu d’un pays occupé par les nazis et où sévit la famine mais en plus elle se dresse contre son mari qui lui ne veut pas de l’enfant. Des gestes qui en temps normal sont simples deviennent des gestes héroïques, chaque instant est un instant de vigilance car survivre requiert une attention constante.
Il n’est pas question ici de raconter les péripéties et le dénouement de ce roman que l’auteur nomme conte. Il s’agit seulement de donner quelques arguments pour le lire. En voici trois. Face au Mal le Bien se dresse. « Là où il y a une volonté il y a un chemin. » Le plus haut degré de l’amour c’est l’amour absolument désintéressé, c’est l’amour qui n’attend aucun amour en retour ni même un peu de reconnaissance, c’est l’amour de la bûcheronne : « Elle l’a ramassée, nourrie chérie et aimée plus que tout. Plus que sa vie même. »
La plus précieuse des marchandises est un conte à la fois philosophique et politique. Il met en scène des gens démunis emportés comme des objets sans valeur dans la tourmente horrible et nauséeuse du nazisme, des petites gens qui, malgré tout, parviennent à se comporter en être humains. Qu’on ne s’y trompe pas. Si l’histoire se passe dans les années quarante elle prend tout son sens aujourd’hui!
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Hubert HADDAD, le peintre d’éventail, roman
Hubert HADDAD né en 1947, d’origine tunisienne. Romancier, poète, historien d’art, dramaturge, essayiste, peintre. Nombreux prix : Francophonie (2008) ; Renaudot poche (2009) ; interallié (2012) ; Louis Guilloux (2012) ; Mallarmé (2013)
Le contenu
Ce récit se passe au Japon. Il est bref mais il couvre néanmoins une sorte de filiation artistique sur trois générations qui commence il y a moins d’un siècle et qui se poursuit à l’époque contemporaine. Deux arts sont concernés ici : l’art de la peinture sur éventail et l’art du jardinage. Les datations on peu d’importance même (et surtout) si l’histoire que raconte ce roman est impactée par la catastrophe du 11 mars 2011 (Séisme et tsunami à Sendaï et Fukushima) Pourquoi « surtout » ? Parce que comme l’exprime le livre à diverses reprises souffrir « c’est être plus vivant que jamais.
Xu Hi-Han est serviteur dans la pension de Dame Hison où Matabei Reien exerce la fonction de jardinier ayant pris la suite d’Osaki Tanako décédé. Osaki était bien plus qu’un simple jardinier c’était un remarquable peintre d’éventail qui à vrai dire ne séparait guère l’art de la peinture de l’art du jardinage. Xu Hi-Han (jusqu’ à une rupture brutale dont la cause est à découvrir par le lecteur) devient l’aide, l’élève et l’ami de Matabei qui lui aussi est à la fois peintre que jardinier.
Pourquoi lire ce livre ?
Il montre que la nature est souvent une œuvre d’art inégalable. Un jardin c’est l’art « de ne rien tronquer du sentiment natif des plantes et des éléments » « sans perdre la juste mesure de l’harmonie.»
Les passionnés de jardin et de nature doivent lire ce livre qui parle admirablement bien de la beauté de la nature mais aussi de sa violence inouïe, aveugle et inhumaine. On comprend que l’art ne se cantonne pas dans des activités spécifiques mais que tout artiste peut transcender le banal et le quotidien. C’est une histoire pleine d’humanité qui met en valeur des vertus tels que la fidélité à une mission et à l’amitié, la modestie et la rigueur dans les tâches. Elle montre aussi la confrontation des solitudes, les moments de désunion et les moments de solidarité, les faiblesses et les forces des êtres humains. Les histoires d’amour de sexe et d’infidélité sont racontées sans fard ni surenchère. Ce roman raconte donc sans concession la grandeur et la faiblesse des hommes ainsi que la beauté et l’amoralité de la nature.
Symbolisant la difficulté de vivre cette phrase : « Matabei à bout de recours se laissa happé par un paquet de mer. Comme les bêtes piégées, il se débattit contre les remous. » Ce qui fait de cet homme (de l’homme) autre chose qu’une « bête piégée » c’est que sauvé du tsunami il s’emploie le reste de sa vie à sauver les œuvres d’art que sont les éventails peints par Osaki et par lui-même. Et lorsqu’à la fin Xu Hi-Han le retrouve on sait que la chaine humaine et artistique ne s’est pas rompue.
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HOMO DEUS, une brève histoire de l’avenir de Yuval Noah HARARI
Yuval Noah HARARI est né en 1976. Il enseigne l’histoire à l’université de Jérusalem. Sa notoriété internationale a été construite grâce à deux livres « Sapiens, une brève histoire de l’humanité » et « Homo deus, une brève histoire de l’avenir »
« Homo deus » est un essai prospectif aux intonations prophétiques. L’auteur montre ce que pourrait être l’avenir de l’humanité. Pour nous raconter cette « brève histoire de l’avenir » il s’appuie sur son expérience et sa connaissance du présent en établissant de nombreuses passerelles interdisciplinaires, entre la biologie et la psychologie ou entre l’histoire et la philosophie, par exemple
En poursuivant l’éradication des calamités anciennes telles qu’épidémies, famines et guerres les hommes se fixent d’autres objectifs qui flirtent avec le rêve voire l’utopie : le bonheur, l’immoralité et la divinité. Les moyens naturels (l’intelligence humaine) pour atteindre ces objectifs ne suffisant pas la science va en mettre d’autres en œuvre (l’intelligence artificielle) et c’est là que le danger menace. L’humanité risque de glisser lentement mais sûrement du naturel vers l’artificiel, du réel vers le virtuel, de l’organique vers l’inorganique. Saura-t-elle garder la maitrise de la technologie que son génie crée ? Ne joue-t-elle pas les apprentis sorciers ? À terme ne court-elle pas le risque de se déshumaniser ? Dans ce processus inexorable se pose la question de l’intelligence mais aussi celle de la conscience, de l’âme, de l’esprit, du cerveau. L’homme connaît de mieux en mieux le cerveau et ses fantastiques possibilités, mais il ignore à peu près tout du fonctionnement de l’esprit et de ses capacités à connaître et comprendre. Quant à l’âme, la science la définit comme étant le corps lui-même mystérieusement animé de sensations, d’émotions, de sentiments.
« La vie n’a ni scénario, ni dramaturge, ni metteur en scène, ni producteur… ni sens. Selon nos connaissances scientifiques, l’univers est un processus aveugle et sans dessein, plein de bruit et de fureur qui ne signifie rien. […] Épidémies et sécheresses n’ont pas de sens cosmique mais nous pouvons les éradiquer. Les guerres ne sont pas un mal nécessaire sur la voie d’un meilleur avenir mais nous pouvons faire la paix. Nul paradis ne nous attend après la mort mais nous pouvons créer le paradis ici sur terre, et y vivre éternellement pour peu que nous parvenions à surmonter quelques difficultés techniques. […] La culture moderne est la plus puissante de l’histoire ; elle ne cesse de rechercher, d’inventer, de découvrir et de croître. En même temps, aucune autre culture n’a été davantage en proie à une telle angoisse existentielle. » (Pages 220 et 221.)
Ce livre se lit comme un roman d’aventures aux multiples péripéties et rebondissements. Cette aventure n’est autre que celle de l’humanité dans laquelle nous ne sommes pas des spectateurs mais des protagonistes. Et aucun d’entre nous ne sait comment tout cela va se terminer ni même si cela va se terminer.
Les théories que Yuval Noah HARARI énonce et les perspectives qu’il ouvre ne sont pas des concepts éthérés mais toutes s’ancrent dans le réel avec un grand nombre de faits qui illustrent et étayent le propos.
Lire ce livre c’est s’interroger sur l’avenir en analysant et pensant le présent avec une grande lucidité et une sérénité souriante : l’humour parfois éclaire la gravité du propos. Le futur sera-t-il sombre ou radieux, humain ou inhumain ? Les réponses pour demain s’élaborent aujourd’hui.
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21 LEÇONS POUR LE XXIème SIÈCLE de Yuval Noah HARARI
Yuval Noah HARARI né en 1976 enseigne l’histoire à l’université de Jérusalem. Ses trois livres les plus connus sont « Sapiens, une brève histoire de l’humanité », « Homo deus, une brève histoire de l’avenir » et « 21 leçons pour le XXIème siècle. »
Ce livre interroge l’avenir des humains et de l’humanité. Le lisant, nous comprenons que personne ne peut faire l’économie de la question de l’avenir. Chercher à comprendre c’est chercher à vivre mieux aujourd’hui et demain. Chercher à comprendre c’est se libérer.
L’ouvrage est découpé en cinq parties : le défi technologique, le défi politique, le désespoir et l’espoir, la vérité, la résilience, chacune de ces parties traitent en « vingt et une leçons » divers sujets cruciaux dont, entre autres, la liberté, l’égalité, la civilisation, l’immigration, le terrorisme, Dieu, la laïcité, la justice, l’éducation, le sens. Voici des ouvertures sur quelques-uns de ces sujets…
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Après l’échec du fascisme et du communisme le libéralisme est à son tour en crise. Quel est son avenir ? Et quel est l’avenir de la démocratie dont Winston Churchill disait :
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Les humains seront-ils demain des humains « augmentés » grâce aux technologies toujours innovantes (algorithmes, big data, intelligence artificielle)ou … « diminués » à cause d’elles ?
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Big data est cet ensemble gigantesque de données qui dépassent les capacités du cerveau humain. Les « marchands d’attention » assemblent sur chaque individu toutes les données qui les intéresse. Big data pourrait bien être l’autre nom de Big Brother »
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Hier l’autorité était aux mains des « divinités célestes », aujourd’hui les hommes ont (encore) le pouvoir. Démissionneront-ils demain pour laisser les algorithmes diriger le monde ?
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Nous sommes à la confluence de deux révolutions majeures. La biologie perce tous les mystères du corps humain. La puissance de l’informatique semble sans limite.
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Contrairement aux apparences, les innombrables connexions en réseau (facebook notamment) ne contribuent pas à former unecommunauté de cœur et d’esprit. Une foule d’individus connectés ne compose pas un peuple mais reste une foule qui, même si elle est connectée, est sans unité.
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L’accueil des « migrants » est-il un devoir pour les privilégiés que nous sommes ou une faveur qu’on leur fait ? Le combat entre les antiimmigrationnistes et immigrationnistes aura-t-il une fin ?
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On assiste à une surmédiatisation du terrorisme lequel, même si ses conséquences sont horribles nous fait courir moins de risque que les technologies informatiques et numériques dont on parle moins. La surinformation fait de tout événement un spectacle et ne dit rien du sens.
« Qui sui-je ? Que dois-je faire de ma vie ? Quel est le sens de la vie ? [… ]Chaque génération a besoin d’une nouvelle réponse parce que ce que nous savons ou ne savons pas évolue sans cesse. Compte-tenu de ce que nous savons ou ne savons pas de la science, de Dieu, de la politique, de la religion quelle est la meilleure réponse que nous puissions donner aujourd’hui ? » On ne trouve ici aucune réponse toute faite à ces questions fondamentales mais un ensemble impressionnant d’éléments qui, nous aidant à élaborer nos propres réponses … et nos propres questions… nous aident donc à avancer avec plus de lucidité et de courage dans un monde de plus en plus complexe, sombre et dangereux
![Capture d’écran 2018-12-19 à 17.21.23.pn](https://static.wixstatic.com/media/4417f1_c50fbd407d6e40d7bfa3b465d2dd8ed8~mv2.png/v1/fill/w_198,h_251,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/Capture%20d%E2%80%99%C3%A9cran%202018-12-19%20%C3%A0%2017_21_23_pn.png)
NE TIREZ PAS SUR L’OISEAU MOQUEUR de Nell HARPER LEE
Nell Harper Lee (1926-2016) est une romancière américaine. Prix Pulitzer en 1961 pour ce livre au succès planétaire devenu un « classique » de la littérature.
À noter : Je parle ici de l’ouvrage adapté et illustré par Fred Fordham sous la forme d’un roman graphique. Fred Fordham nous précise qu’il n’a pas « cherché à réinventer l’histoire et les personnages. Le texte est dans la mesure du possible directement tiré du roman. »
C’est l’histoire ordinaire mais rythmée et animée par une série d’évènements tous porteurs de sens d’une famille monoparentale (un père avec son fils de treize ans et sa fille de neuf) qui vit au quotidien la ségrégation raciale aux États-Unis dans les années 30. Une servante noire, sans outrepasser sa fonction, joue auprès des enfants le rôle d’une mère de substitution. Le père des enfants, avocat, devient la bête « noire » de sa petite ville parce qu’il défend des « nègres » dont un en particulier injustement accusé de viol.
C’est une période de grandes difficultés économiques aux USA, ce qui exacerbe les tensions raciales. Pour rappel… Les esclaves majoritairement Africains arrivent en Amérique au XVIIème siècle. À l’esclavage aboli en 1863 succède une période de ségrégation au cours de laquelle les noirs sont brimés, humiliés, torturés, assassinés. Comme symbole de cette période sanglante le Ku Kux Klan fondé en 1865 et dissous en 1869 mais … qui sévit encore aujourd’hui sous une autre forme. À l’inverse comme porte-drapeau du combat contre les discriminations et le racisme : Martin Luther King, né en 1929, mort assassiné en 1968.
Pourquoi lire ce livre ?
En lisant ce récit on sent la volonté de pacification d’une partie de la population de la ville soucieuse d’égalité et de justice mais aussi, de façon extrêmement prégnante, la menace haineuse que fait peser sur la communauté une autre frange de cette même population viscéralement attachée à la ségrégation. Livre non violent dans un monde d’une extrême violence, délicat dans un monde fruste, libertaire dans un monde contraint, joyeux dans un monde triste. C’est un livre où l’on entend des rires d’enfant et en même temps les questions qu’ils posent aux adultes, adultes qu’ils essaient de comprendre et parmi lesquels ils essaient de vivre en essayant – consciemment ou non - de préserver l’innocence de l’enfance et la fraicheur de ses rêves.
Qu’est-ce que l’oiseau moqueur ?
C’est un merveilleux chanteur qui a son propre registre musical mais qui a aussi la capacité d’imiter les autres oiseaux et de détourner voire transcender leurs chants. Il symbolise la liberté et la beauté : il ne chante que pour chanter, on ne peut le faire vivre en cage et
« — Je veux savoir pourquoi tu trimballes des enfants blancs dans une église nègre. Ils ont leur église et nous la nôtre !
— Parce que c’est le même Bon Dieu ! »
« Les gens de couleur m’en veulent parce qu’ils sont à moitié blancs ; le blancs m’en veulent parce qu’ils sont de couleur. »
![CONTE_DE_LA_PREMIÈRE_LUNE.jpeg](https://static.wixstatic.com/media/4417f1_8f69b0972ac2469c84a43a63f81dc82e~mv2.jpeg/v1/fill/w_184,h_280,al_c,q_80,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/CONTE_DE_LA_PREMI%C3%88RE_LUNE.jpeg)
CONTE DE LA PREMIERE LUNE roman de HIRANO Keiichirô
Né en 1975 l’écrivain Japonais HIRANO Keiichirô. Avec « L’éclipse » il obtient en 1999 le Prix Akutagawa, équivalent du prix Goncourt. Il a passé l’année 2005 en France en tant qu’ambassadeur culturel du Japon.
Ce conte poétique et philosophique oscille en permanence entre la réalité et le rêve. C’est l’histoire de Masaki un jeune homme neurasthénique dont la thérapie est la marche. Il se perd en montagne dans les paysages magnifiques de la région de Nara au Sud de Kyoto. Il se fait piquer par un serpent, un moine le recueille et le sauve. Près de l’ermitage du moine où il séjourne il découvre une femme…
Les thèmes principaux.
La passion
« La passion était un morceau de verre fondu, chauffé au rouge, étincelant d’un éclat doré. Pour en user dans la vie, il fallait lui donner une forme utile et banale et le refroidir rapidement de façon à le tenir dans la main. »
Le mystère de la poésie
« Masaki mettait toute sa passion dans la rédaction de ses poèmes […] C’était chez lui un acte impulsif comme si son pinceau suivait ses pensées dés que l’inspiration avait germé dans son esprit. […] Masaki était persuadé que les mots mêmes devenaient impuissants dés l’instant que l’on était touché par la beauté la plus profonde de la nature. Il pensait que dans des moments pareils aucun poème ne pouvait naître […] La différence entre le sujet parlant et l’objet dont il devait parler disparaissait dans une communion totale. «
Dire la monde c’est créer le monde
« Les montagnes au loin n’ont aucune existence in fine Ce qui les fait exister c’est le pas qui foule leur sol une fois qu’on les atteintes »
L’amour
« Masaki n’aurait su dire s’il était amoureux ou non de l’apparition qu’il ne connaissait qu’en rêve […] Il parvint à la conclusion qu’il l’aimait réellement. »
Ce roman aux rebondissements fréquents qu’il serait trop long d’énumérer ici avec une alternance rythmée entre narration des événements, description des paysages, réflexions philosophiques, textes poétiques est un roman sur la liberté mais aussi sur la force inéluctable de l’enchainement des causes et des effets pas toujours maitrisable que certains appellent destin et d’autres hasard ou coïncidence.
Une femme peut-elle être enceinte d’un serpent ? La fille dont elle accouche (la fille du serpent) peut-elle avoir le mauvais œil ? Le voyageur peut-il tomber amoureux de la fille du serpent ? Le lecteur convaincu par l’auteur répond oui sans la moindre hésitation à toutes ces questions.
Ce n’est qu’une fois le livre refermé et qu’il le relit dans sa tête que le lecteur y découvre un bouquet de métaphores sur le bien et le mal, sur la force de la nature, sur la grégarité, sur la peur qui se mue en méchanceté, mais aussi sur la sollicitude, la compassion, la bienveillance, l’amour. À LIRE D’URGENCE !
![Capture d’écran 2017-06-09 à 07.32.57.pn](https://static.wixstatic.com/media/4417f1_805089d42d2f466f9a508e50b6f5e8ce~mv2.png/v1/fill/w_179,h_295,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/Capture%20d%E2%80%99%C3%A9cran%202017-06-09%20%C3%A0%2007_32_57_pn.png)
Tsuji HITONARI, LE BOUDDHA BLANC, roman.
L’auteur et son œuvre
HITONARI Tsuji, Japonais, né en 1959 est romancier, poète, réalisateur et … chanteur de rock. Le Bouddha blanc inspiré de l’histoire de son grand-père a obtenu le prix Femina étranger en 1999.
Le contenu
Ce roman montre comment un homme simple ayant une vie simple peut transcender le banal. Cette transmutation s’opère sur les divers plans intriqués qui constituent la vie : l’affectivité, les engagements sociaux, le travail, « la vie intérieure » avec, notamment, les questions métaphysiques qui se posent sur la vie et la mort. Le héro, Minoru Eguchi que nous découvrons à l’âge de sept ans, est le fils d’un armurier installé dans un îlot minuscule du Japon, Ôno, « à peine dix kilomètres de circonférence. » Avec sollicitude et parfois inquiétude le lecteur suit de très près cet enfant ordinaire tout au long de sa vie et il voit comment son intelligence et sa sensibilité se développent et trouvent leur emploi. Il fait divers métiers qui lui permettent de bien gagner sa vie mais son œuvre magistrale est l’édification d’un gigantesque Bouddha blanc constitué des ossements pilés de tous les morts collectés dans les cimetières avec l’accord des familles. Une nuit, des morts (qu’il avait connus bien vivants) sont venus le le visiter en rêve. « C’est cette nuit-là que germa dans l’esprit de Minoru l’idée d’édifier une statue de Bouddha avec les ossements des morts de l’île. » « Si les hommes qui avaient vécu dans le passé et ceux à naître dans le futur pouvaient se trouver réunis, alors le monde serait vraiment humain, songeait-il. » « Si nous rassemblons tous nos ancêtres dans une statue, tant que cette île durera, les habitants ne pourront oublier leurs morts. » Toutes les précautions sont prises pour rassurer la population. « Avant l’ouverture des tombes, l’abbé du temple accomplit devant tous les villageois rassemblés un rite destiné à demander aux âmes des ancêtres l’autorisation de les déranger dans leur sommeil. »
Pourquoi lire Le Bouddha Blanc ?
Les opérations d’exhumation et de broyage des os peuvent paraître macabres, voire sacrilèges à nos yeux d’occidentaux mais pour tous les habitants de l’île d’Ôno il s’agit réellement d’une œuvre sacrée utile à tous et destinée à traverser le temps.
Lire ce livre nous fait comprendre qu’on peut et doit accepter les différences.
L’histoire du Bouddha blanc offre l’exemple de la plénitude d’une existence. « En broyant les ossements j’ai réfléchi au sens de la vie humaine. Contempler la mort m’a permis de réfléchir à la vie. » L’adulte Minoru Eguchi demeure cet enfant simple qui réalise ses rêves, ses mains valant autant que son cerveau, son cœur autant que sa raison.
Le sens auquel il aspire transfigure le non sens de la vie qu’il refuse.
![Capture d’écran 2017-06-15 à 05.37.49.pn](https://static.wixstatic.com/media/4417f1_d3ce9c818b2e401cacb42c18b429643b~mv2.png/v1/fill/w_174,h_271,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/Capture%20d%E2%80%99%C3%A9cran%202017-06-15%20%C3%A0%2005_37_49_pn.png)
Michel HOUELLEBECQ, SOUMISSION, roman.
L’auteur et son œuvre
Michel Houellebecq (nom de naissance Michel Thomas) est né à La Réunion. Écrivain, réalisateur. Nombreux prix : Tristan,Tzara(1992), Flore(1996), Novembre(1998), Interallié(2005), Goncourt (2010). Appartient au courant littéraire du réalisme et du naturalisme avec un engagement marqué pour la sociologie, la socio-biologie, l’anthropologie. Écriture souvent blanche. Il aime le vocabulaire scientifique. Il se complait dans la crudité (sexe et violence.) On ne sait pas toujours si sa pornographie est une contribution constructive nécessaire au récit ou une simple manœuvre pour scandaliser le « bien-pensant pudibond » et attirer le voyeur. Les thèmes qui parcourent son œuvre sont l’animalité : violence, instinct de domination ; la sexualité : recherche de la jouissance et du plaisir ; le travail et l’économie : dominants/ dominés, nantis/démunis ; la religion : il postule que l’homme ne peut vivre sans religion.
Le contenu
Au commencement du livre, nous sommes au bord de la guerre civile entre le parti de
« La Fraternité musulmane » à tous les autres partis dont les « identitaires.» « Pour les identitaires européens il est admis d’emblée qu’entre les musulmans et le reste de la population doit nécessairement, tôt ou tard éclater une guerre civile. » Personne n’a rien vu ou n’a rien voulu voir venir « Un tel aveuglement n’avait rien d’historiquement inédit : on aurait pu retrouver le même chez les intellectuels, politiciens, et journalistes des années 1930, unanimement persuadés qu’Hitler « finirait par revenir à la raison.» La « fraternité musulmane » doit marginaliser voire éliminer la laïcité puisque la dite laïcité refuse catégoriquement la collusion et l’amalgame entre pouvoir religieux et pouvoir politique. La possibilité donnée à toutes les religions de s’exprimer, dans le domaine privé, sous couvert du respect des valeurs de la liberté, de l’égalité et de la fraternité ne saurait suffire à l’islam. Sous régime islamique l’union sacrée » ne se fait pas via la nation et ses valeurs mais via la religion et ses dogmes.
Pourquoi lire « Soumission » ?
Dans cette fiction, Houellebecq nous annonce froidement que la domination islamique est inéluctable et que notre avenir c’est l’islam. Il affirme qu’avançant à rebours du processus historique des Lumières nous retournons vers l’obscurantisme. Quel athée doté d’un minimum d’entendement peut adhérer à cette fable ? Quel croyant doté d’un minimum d’ouverture peut accepter l’idée qu’au XXIème siècle une religion puisse dominer toutes les autres à ce point et mettre le pays à genoux ? Certes l’Islam totalitaire est le mal qui menace le monde aujourd’hui mais il y a assez d’esprits éclairés pour éradiquer ce mal. Avec ce livre Houellebecq met de l’huile sur le feu. Il glisse une fois de plus de la monstration au voyeurisme sordide de la fiction au didactisme insidieux. Il est nécessaire que vous lisiez « Soumission » pour vous faire votre propre opinion sur le livre et sur le sujet.
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MANUEL DE SAGESSE PAÏENNE de Thibault ISABEL
Thibault ISABEL, né en 1978, docteur és lettres, directeur de la revue L’Inactuelle.
Il a publié en 2017 « Proudhon, l’anarchie sans le désordre. »
Ce livre nous donne les clés pour comprendre les païens et le paganisme. Le paganisme est une forme de religion polythéiste, parfois panthéiste et en même temps une philosophie humaniste qui libère et aide à vivre. « Les philosophes autrefois se souciaient moins de développer une connaissance théorique que d’accéder une sagesse pratique. »
Voici les principaux thèmes de l’ouvrage…
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En leur imposant un carcan de dogmes et de règles, les trois monothéismes, ainsi que beaucoup d’autres religions, privent les croyants de la liberté de penser et d’agir
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Le paganisme, philosophie éclectique etreligion syncrétique, affirme qu’aucune vérité n’est éternelle, que toutes sont relatives et qu’il n’y ni Mal absolu, ni Bien absolu, ni Vérité absolue.
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Pour le paganismeil n’y a pas de Dieu créateur. La nature s’est autocréée.
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Pour les païens doit rester en lien étroit avec
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Les païens, de même que les athées, n’ont besoin d’aucuns dieux ni d’un Dieu unique pour avoir une morale, ilsont le respect de la vie, de l’être vivant, de l’êtrehumain et de sa dignité.
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Les philosophes païens valorisent les passions gaies. […] Ils combattent les passions tristes
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Le paganisme inviteà pour devenir ce que l’on doit être.
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« Le païen ne souhaite pas qu’on promeuve des valeurs païennes à l’école. Il demande qu’on enseigne les valeurs de tous les camps dans un souci d’esprit critique et de compréhension dialectique des pensées. […] L’autonomie se conquiert au terme de l’apprentissage de la diversité intellectuelle. Tout disciple doit accepter des contraintes et s’exposer à la contradiction pour libérer sa créativité. »
Ce « Manuel de sagesse païenne » loue aussi les vertus du plaisir, de l’art, de la fraternité, de la démocratie, de la justice, de l’égalité, de la dignité humaine, de l’éducation.
La lecture de ce livre qui traite très simplement de philosophie et qui fait se confronter les croyances et la connaissance, nous fait comprendre que vivre n’est pas un champ de pensées arides mais bien au contraire un chemin lumineux de pensées fertiles et d’actes généreux.
![Capture d’écran 2018-06-27 à 08.53.36.pn](https://static.wixstatic.com/media/4417f1_ea4803da7cc143c18a8c4e6779f76f00~mv2.png/v1/fill/w_185,h_300,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/Capture%20d%E2%80%99%C3%A9cran%202018-06-27%20%C3%A0%2008_53_36_pn.png)
La petite femelle de Philippe JAENADA, roman
Philippe Jaenada, né en 1964. Il a écrit plusieurs romans de type autobiographique puis des romans inspirés de faits divers. Prix de Flore en 1997, Prix Femina en 2017.
L’auteur, conteur de grand talent, nous tient en haleine d’un bout à l’autre de ce livre dans lequel il se passe quelque chose à chaque page. L’écriture est de type journalistique avec des phrases brèves, parfois syncopées, proches du langage parlé, sans aucune prétention littéraire, à moins que, justement, ce style particulier soit en lui-même un style littéraire. L’humour rythme le récit et crée des respirations salutaires même aux moments les plus sombres.
Très choquant le titre du livre exprime le mépris affiché par la plupart des protagonistes de l’histoire pour Pauline Dubuisson qui en est le personnage principal. Il s’agit d’une citation extraite du film de Claude Autant-Lara, « En cas de malheur », adapté d’un roman de Simenon
La mère de Pauline, le plus souvent perdue dans ses pensées et ses prières et pour ainsi dire absente de l’éducation de sa fille. Son père, un colonel, la forme dés la petite enfance par la biais d’un précepteur. Toute l’histoire de Pauline se fonde peut être sur cette phrase de son père : « Triomphe d’abord des hommes, lui dit-il, ensuite fais-en ce que tu veux. » Il s’agit là d’un conseil libertaire. Pauline paiera sa liberté au prix fort. C’est une fille intelligente et très belle qui découvre très tôt son pouvoir de séduction. Née en 1927, elle couche pour la première fois en 1940 avec un soldat allemand. Germanophile, le père est consentant. Elle enchaine ensuite les liaisons soit avec des jeunes gens de son âge soit avec des hommes beaucoup plus âgés. Très vite elle est étiquetée « fille facile, salope et pute à boche. » Tondue et malmenée à la libération elle essaie de se reconstruire. Elle fait des études de médecine chaotiques, couche avec ses professeurs. Quand Félix, un jeune homme aussi beau que naïf et pur lui dit qu’il l’aime et qu’il veut l’épouser elle le repousse sans ménagement. Elle découvre trop tard qu’elle l’aime : Félix est désormais fiancé. Elle veut le reconquérir. Cette reconquête est un fiasco qui se termine par la mort de Félix. Accusée de meurtre avec préméditation Pauline, qui est tout sauf une sainte, est considérée par ses juges tout au long du procès comme le diable en personne et jugée comme tel. Le procureur requiert la peine de mort. Elle est condamnée à vingt ans de prison. Libérée pour bonne conduite elle entre alors dans une autre phase de reconstruction en reprenant ses études de médecine. Mais les étiquettes ne s’enlèvent pas si facilement…
Lit-on ce livre comme on lit un policier distractif avec la tension jubilatoire que provoque le suspens, à la différence près – et elle de taille - qu’il s’agit de personnes réelles et non de personnages fictifs ? Ou alors le lit-on avec recueillement, attention par sollicitude et compassion pour Pauline ainsi que pour toutes ces femmes vilipendées, méprisées et mal jugées simplement parce qu’elles sont des femmes ? « On les connaît, allez. Une femme qui dit non c’est une femme qui dit oui. »
Il faut lire ce livre passionnant pour appréhender le sens de cette double question qui est en fait la question du rôle de la littérature
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« C’est la culture qu’on assassine » de Pierre Jourde, essai
Pierre Jourde est l’auteur d’un trentaine de livres : romans et ouvrages qui traitent de l’écriture, de la lecture, de la culture. Il a reçu de nombreux prix littéraires dont le Prix de l’Académie française en 2002 pour « La littérature sans estomac. »
Ce livre est « un recueil de chroniques portant sur la situation culturelle en France. » L’auteur montre ici que la culture, cet autre nom de la connaissance, s’enlise dans la médiocrité. Si on postule que « se cultiver » c’est s’humaniser on en arrive à la conclusion que nous sommes bel et bien en voie de déshumanisation. Voici quelques extraits du livre qui pointent les principales causes du mal.
La télévision. « Où est la culture ? Elle n’est pour le grand public pratiquement plus à l’école. Elle n’est pas dans les maisons de la culture, ni dans la bibliothèques, de moins en moins au cinéma. Pour la majorité de nos concitoyens la culture c’est la télévision. […] La télévision est devenue l’empire de la connerie triomphante. On voudrait en excepter les rares émissions culturelles. […] La télévision comme la plupart des autres médias n’est pour l’essentiel que l’organe des marchands et des financiers qui la possèdent. […] Quant au service public il se calque sur la démagogie de la télévision marchande. »
La guerre contre l’esprit. « Tout le travail éducatif est saccagé par la bêtise médiatique, la bouffonnerie érigée en moye d’expression, le déferlement des valeurs de l’argent, de la consommation, de l’apparence et de l’individualisme étroit diffusées par la publicité ultime raison d’être des grands groupes médiatiques. » « Comme un enfant privé de caresses meurt presque aussi sûrement qu’un enfant qu’on ne nourrit pas, une société sans art, une société qui se prive du beau risque de ne pas survivre bien longtemps. »
Les Médias. « Si les médias des régimes totalitaires parviennent dans une certaine mesure à enchaîner les esprits ceux du capitalisme triomphant les battent à plate couture. »
L’Education. Pierre Jourde cite Hannah Arendt « C’est […] pour préserver ce qui est neuf et révolutionnaire dans chaque enfant que l’éducation doit être conservatrice : elle doit protéger cette nouveauté et l’introduire comme un ferment nouveau dans un monde déjà vieux. »
L’oubli de ce qu’on doit être. « Le tapage de la bêtise nous soulage un instant du poids de ce que nous nous devons. » Si cet « instant » se prolonge voire se pérennise la bêtise gagne !
On l’a compris ce livre est un cri de colère et un coup de poing sur la table. À défaut de la renverser Pierre Jourde l’ébranle et réveille ceux qui somnolent autour d’elle en parlant de « culture. » pour se donner bonne conscience ou au contraire pour l’enterrer. Pour ne pas finir dans le tréfonds de l’obscurantisme en zombie lobotomisé ou en robot déshumanisé, nous dit-il en substance, chacun de nous doit reprendre pied dans la réalité en refondant l’Education des enfants, en se libérant de tous les pouvoirs qui aliènent, que ce soit celui de l’argent, celui des médias dont la télévision ou encore celui des politiques les trois étant liés par des intérêts communs.
Se libérer pour devenir soi-même ne dépend que de nous. L’homme est ce qu’il sait, ce qu’il fait et ce qu’il rêve.
![Capture d’écran 2017-06-15 à 10.20.17.pn](https://static.wixstatic.com/media/4417f1_39dbac7afe9b434e9b7983c68623f446~mv2.png/v1/fill/w_178,h_305,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/Capture%20d%E2%80%99%C3%A9cran%202017-06-15%20%C3%A0%2010_20_17_pn.png)
Je fais un rêve, Martin Luther King
(Un livre ancien plus que jamais d’actualité.)
Martin Luther King est né en 1929. Il deviendra pasteur. Il se mariera en 1953. Il aura quatre enfants. Il obtiendra le Prix Nobel de la paix en 1964. Il sera assassiné le 4 avril 1968 par un ségrégationniste blanc.
Une petite histoire d’où naît la grande histoire.
En 1943, revenant d’un concours d’éloquence qu’il avait gagné, il prend le car du retour.
On l’insulte ainsi que son professeur qui l’accompagne. On les traite d’« enfants de pute noirs.» Le chauffeur les oblige à se lever pour que des blancs puissent s’asseoir à leur place. Ils font cent trente kilomètres debout dans le couloir.
Son discours « je fais un rêve » a donné son titre à un livre qui rassemble ses articles, discours, sermons, entretiens. Sous des formes diverses, ces textes développent et déclinent les mêmes thèmes : non aux discriminations raciales et sociales, égalité et justice pour tous et toutes.
Son rêve est un rêve de liberté, d’égalité de fraternité.
Le combat de Martin Luther King, comme celui de Gandhi ou de Mandela devrait être relayé aujourd’hui par tous les hommes et toutes les femmes révulsés de voir la société avilie par tant de discriminations racistes, sexistes, politiques religieuses, sociales et qui tous et toutes veulent que l’humanité cesse de se dégrader et retrouve son honneur.
Ségrégation, injustice, inégalité, discrimination sont des mots anciens mais hélas d’une sidérante actualité. Le rêve de Martin Luther King qui s’incarne dans le combat quotidien contre ces fléaux est sans doute sans fin. Il doit être celui de chacun et chacune d’entre nous. « Les privilégiés cèdent rarement leurs privilèges sans une forte résistance. […] Le réalisme nous oblige à admettre que le combat se poursuivra jusqu’à ce que la liberté et l’égalité deviennent une réalité pour tous les peuples opprimés du monde. »
NB. Martin Luther King était pasteur donc soutenu dans son combat par sa foi. J’invite croyants ou non croyants à lire d’urgence le poème d’Aragon « La rose et le réséda » paru en mars 1943
![Capture d’écran 2017-06-09 à 10.47.08.pn](https://static.wixstatic.com/media/4417f1_bb06aee3eac64fc480664c6ed8c2c1c2~mv2.png/v1/fill/w_183,h_291,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/Capture%20d%E2%80%99%C3%A9cran%202017-06-09%20%C3%A0%2010_47_08_pn.png)
Abé KÔBÔ, LA FEMME DES SABLES, roman.
L’auteur et son œuvre
Fils de médecin et médecin lui-même KÔBÔ Abé n’exerça jamais la médecine. Né en 1924, décédé en 1993, il se consacre dés l’âge de 24 ans à la littérature. Membre du parti communiste il en est exclu après la parution de «La Femme des sables. » Kôbô a été récompensé par plusieurs prix. « Les murs « (1951), prix Akutagawa. « Le cocon rouge », prix de la littérature d’après guerre. « La femme des sables » (1964), prix du Yomiuri.
Le contenu
L’histoire commence lorsqu’un entomologiste amateur qui traque dans des dunes une mouche rare (la cicindèle), se laisse surprendre par la nuit dans ce désert de sable. Même s’il est bien conscient que le sable est l’antinomie de la vie. « D’un côté le Sable, de l’autre l’Homme», cette matière ni solide ni liquide qu’il sait éminemment dangereuse l’a toujours fasciné puisqu’elle est la « condition de l’existence de la cicindèle. » Il arrive dans un étonnant village qui résiste avec énergie à l’ensablement : toutes les maisons se trouvent au fond d’un trou de sable. Il rencontre un vieil homme qui lui propose de passer la nuit dans le village. Il accepte. C’est avec une curiosité mêlée d’inquiétude qu’il descend dans l’une des maisons enfouie à vingt mètres de profondeur. Son hôtesse que le vieil homme appelle « la vieille » est en fait une toute jeune femme. « Trente ans à peine, peut-être en âge de plaire et d’être aimée. » L’appelant « la vieille », le vieillard, inconsciemment sans doute, veut montrer au voyageur qu’ici le temps n’a pas de prise et qu’on vit dans un monde hors du temps. Le voyageur comprend très vite qu’il est retenu prisonnier dans ce trou afin d’aider le village à se désensabler.
Pourquoi lire LA FEMME DES SABLES ?
Ce livre pose la question de la résistance et de la révolte : « Une telle vie. Un tel abîme. » « Colère envers les gens qui chargeaient de lien cette femme. Colère envers cette femme qui se laissait charger de lien. » « Nul ne peut s’attribuer le droit de vous tenir enfermée en ce trou. »
Le prisonnier veut sortir du trou !
En écho il pose la question de l’acceptation et de la résignation : « L’homme se dit sans savoir pourquoi « Vrai, que toutes choses sont vaines, terriblement vaines. » « Et mon plan d’évasion. J’y repenserai. J’ai le temps. J’ai tout le temps. »
Le prisonnier organise sa vie au fond du trou.
En définitive, peut-on, comme s’interroge Camus à propos de Sisyphe, imaginer heureux un homme au fond du trou ?
![DESERT .png](https://static.wixstatic.com/media/4417f1_db77a170debc46559e7aaded793f49a9~mv2.png/v1/fill/w_183,h_265,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/DESERT%20.png)
J-M-G LE CLEZIO, « DÉSERT », roman.
L’auteur et son œuvre
Jean-Marie Gustave Le Clezio né en 1940. Prix Nobel de littérature en 2008. Reconnu comme un écrivain de premier plan dès 1963 avec son premier roman « Le procès verbal.»
Son univers littéraire est celui du rêve, des mythes, de l’autobiographie familiale, du voyage, lui-même étant un grand voyageur qu’inspirent les cultures amérindiennes. Il est l’auteur d’un cinquantaine d’ouvrages : romans, nouvelles, contes, essais.
Le contenu : deux histoires parallèles
Les couleurs du désert irradient ce livre : l’ocre rouge du sable, le bleu sombre de l’habit des touaregs, le feu du soleil et des étoiles, le noir glacial de la nuit. On y lit deux histoires parallèles. Dans l’une, les hommes bleus sont pourchassés par des soldats de la colonisation. Dans l’autre, des âmes bien intentionnées « sauvent » de la misère une jeune fille du désert. Dans le premier cas la terre natale est souillée, dans le second elle est niée. La mort qui menace, pire que la mort physique, trancherait le lien vital entre le désert et ceux qui y vivent. « Désert » retrace l’histoire de deux voyages contraints, l’un aux confins du désert l’autre hors du désert tous deux suivis du retour au désert. Nour le jeune nomade qui fuit avec les tribus traqués, Lala Hawa la jeune fille qu’on déplace vers la France et Paris sont deux jeunes gens qui incarnent dans chacun des récits la palpitation de la vie et de la liberté.
Pourquoi lire « DÉSERT » ?
Parce que c’est un hymne à la beauté. Beauté du désert et de ceux qui y vivent dont celle de Lala Hawa qui à cause de sa beauté sera déracinée et propulsée à Paris pour devenir top modèle. Entre Lalla et la nature aussi miraculeusement belle l’une que l’autre il y a une telle communion que la jeune fille ne sait pas si elle appartient au monde des hommes ou si elle n’est pas simplement un élément du désert : comme une plante, une volute de vent, un insecte, une pierre qui roule, un grain de sable
Parce que c’est un hymne à la vie simple.
« Quand elle est assise [… ] sur un rocher à côté du Hartani (un berger) et qu’ils regardent ensemble l’étendue des pierres dans la lumière du soleil, avec le vent qui souffle de temps en temps, avec les guêpes qui vrombissent au-dessus des petites plantes grises et le bruit des sabots des chèvres sur les cailloux qui s’éboulent il n’y a besoin de rien d’autre vraiment. »
Parce que c’est un hymne à la liberté « Un jour tu sais, je m’en irai je partirai et il ne faudra pas essayer de me retenir. » Au sommet de sa gloire (atteinte en France en quelques mois) qui pour elle n’a aucun sens, Lala exprime avec fermeté sa volonté de repartir pour le Désert sa vraie terre.
![Capture d’écran 2018-05-16 à 18.38.26.pn](https://static.wixstatic.com/media/4417f1_adfeca0a47b74c4e9f47f285d6d82e2a~mv2.png/v1/fill/w_183,h_295,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/Capture%20d%E2%80%99%C3%A9cran%202018-05-16%20%C3%A0%2018_38_26_pn.png)
L’AME DU MONDE de Frédéric LENOIR, essai
Frédéric Lenoir est un philosophe, sociologue et historien des religions.
Suite à un « appel » venu d’un ailleurs mystérieux des sages quittent leur pays d’origine et se retrouvent tous au Tibet pour échanger sur ce qu’est la sagesse. Je ne crois pas aux prétendues voix entendues par Jeanne d’Arc. C’est grâce à sa force de caractère et à sa détermination que cette jeune fille est entrée en résistance et s’est engagée dans le combat. Les appels entendus ici par ces sages ne peuvent donc venir que d’eux mêmes, de leur désir et de leur volonté.
Le titre « L’âme du monde » est un postulat sur quoi se fonde la sagesse dont ils nous parlent dans le livre.
Il y a là un chamane, un rabbin, un prêtre catholique, un mystique hindou, un prêtre taoïste, un musulman soufi, un lama tibétain, une philosophe spinoziste* ex maçonnique.
* Spinoza était un philosophe théiste qui, critiquant les trois monothéistes, assimilait Dieu à la Nature.
Pourquoi aucun athée dans ce groupe ?
L’athée aurait dit que la spiritualité est une dimension de la condition humaine qui s’exonère de toutes les croyances ainsi que de toutes les religions.
Il aurait dit que la spiritualité athée est la plus libre de toutes les spiritualités puisqu’elle ne réfère à aucune croyance ni à aucune religion.
Il aurait dit que l’athée n’a pas besoin de se réfugier dans un monde imaginaire pour se distraire et se protéger du monde réel.
Il aurait dit que si quelque chose gouverne et anime le monde ce n’est pas une « âme » mais la Nature concrète, puissante, avec ses lois et ses mystères. C’est la Nature qui contient tout, qui englobe tout de l’infiniment grand à l’infiniment petit. Pour autant elle n’est pas Dieu puisqu’elle est explicable.
Il aurait dit qu’il comprend que Dieu puisse être pour certains une certitude, pour d’autres une hypothèse et pour d’autres enfin une métaphore
Il aurait dit que les croyances et les religions se ruent dans la brèche des incertitudes de la science pour nommer « âme du monde » ce qui est, en fait, le mystère du monde.
« Mon royaume tout entier est de ce monde », nous dit Camus. Jusqu’à preuve du contraire il n’y a qu’un monde et c’est celui dans lequel nous vivons, que nous subissons par lâcheté ou que nous tentons d’améliorer grâce à notre volonté.
Même si ces sages autoproclamés expriment des convictions qui toutes s’adossent à un double postulat branlant « l’âme du monde » et « l’énergie spirituelle », ce livre est à lire parce qu’il nous fait nous interroger sur le sens de la vie, sur la mort, l’âme, l’esprit, le corps et sur des valeurs et vertus telles qu’entre autres, l’amour, la liberté, la relation aux autres. Nous ne devons pas prendre ce livre comme un livre de recettes pour mieux vivre mais comme un ensemble de questions stimulantes dont les réponses sont à chercher et à construire en nous afin de trouver notre propre voie dans ce monde dangereux, difficile, injuste et cruel, et cela que l’on croit ou non en l’âme du monde, que l’on croit ou non en Dieu.
Conseils de lectures complémentaires. « La rose et le réséda », poème d’Aragon. « L’athéisme expliqué aux croyants » de Paul Desalmand. « Génie de la laïcité » de Caroline Fourest.
![Capture d’écran 2017-06-15 à 08.48.32.pn](https://static.wixstatic.com/media/4417f1_c4a1db1892eb4df694129f7050c13b26~mv2.png/v1/fill/w_184,h_295,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/Capture%20d%E2%80%99%C3%A9cran%202017-06-15%20%C3%A0%2008_48_32_pn.png)
Primo LEVI « SI C’EST UN HOMME », témoignage autobiographique.
L’auteur et son œuvre
Primo Levi (1919-1987) Italien d’origine juive. Ce docteur en chimie n’a rien d’un « va-t’en-guerre. » Il entre en résistance, parce que la lutte contre le nazisme est pour lui naturelle. Arrêté, déporté, puis libéré il reprend le cours de sa vie, se marie, a deux enfants, dirige une entreprise de produits chimiques, écrit plusieurs livres : poésie, nouvelles, romans. Il se suicide en 1987.
Le contenu
Il commence « SI C’EST UN HOMME » ce témoignage sur l’horreur du complexe concentrationnaire d’Auschwitz où l’auteur a séjourné de février 1944 à janvier 1945par ces mots stupéfiants : « J’ai eu la chance.» La chance de n’être déporté qu’en 1944 au moment où le gouvernement allemand décide d’exterminer un peu moins de prisonniers à cause de la pénurie de main-d’œuvre et la chance d’être chimiste, une compétence qui intéresse les allemands d’Auschwitz.
Que faire quand les SS annoncent que pour chaque évasion dix prisonniers seront exécutés ? « Avec la précision absurde à laquelle nous devions plus tard nous habituer, les Allemands firent l’appel. À la fin, l’officier demanda : « Wieviel Stück ? ( combien de pièces ?) » et le caporal répondit en claquant les talons que les pièces étaient au nombre de 650. » C’est quand il se trouve face au Doktor Pannwitz qu’il comprend que pour les nazis il n’a pas le statut d’être humain. « Son regard ne fut pas celui d’un homme à un autre homme ; et si je pouvais expliquer à fond la nature de ce regard, échangé comme à travers la vitre d’un aquarium entre deux êtres appartenant à deux mondes différents, j’aurais expliqué du même coup l’essence de la grande folie du Troisième Reich. Tous ce que nous pensions et disions des Allemands prit forme en cet instant. Le cerveau qui commandait à ces yeux bleus et à ces mains soignées disait clairement : « Ce quelque chose que j’ai là devant moi appartient à une espèce qu’il importe sans nul doute de supprimer. Mais dans le cas présent, il convient auparavant de s’assurer qu’il ne renferme pas quelque élément utilisable. »
Pourquoi lire « SI C’EST UN HOMME » ?
Il faut lire ce livre pour ne pas oublier que la folie ravageuse du fanatisme et du totalitarisme conduit à l’extermination des peuples et que ce danger est omniprésent en notre siècle où certains font du rejet, du mépris, de la haine de l’autre une DOCTRINE. Les doctrinaires affirment que ceux et celles qui n’adhèrent pas à leur idéologie sont les ennemis à abattre et, en toute logique ils construisent des fours crématoires, s’arment de Kalachnikov et posent des bombes dévastatrices.
Pour briser l’élan de toutes les idéologies obscurantistes qui rôdent, chacun doit s’employer à tendre la main à ceux que cette folie fascine, séduit et dévoie avant que cette main ne se referme sur une arme meurtrière.
![Capture d’écran 2018-03-07 à 13.26.46.pn](https://static.wixstatic.com/media/4417f1_084027a709454dd5893cf258c2165a7c~mv2.png/v1/fill/w_185,h_300,al_c,q_85,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/Capture%20d%E2%80%99%C3%A9cran%202018-03-07%20%C3%A0%2013_26_46_pn.png)
Simon LEYS, LE BONHEUR DES PETITS POISSONS, Chroniques
Écrivain, essayiste, critique littéraire Simon LEYS (1935-2014) est un spécialiste de la Chine. De nombreux prix ont récompensé son travail dont le Renaudot en 2001.
Ce livre publié en 2008 réunit des chroniques de l’auteur parues en 2005-2006 dans diverses revues littéraires. Il porte ici un regard acéré sur divers sujets tous en lien avec la littérature, l’art, la philosophie et au-delà avec la vie. C’est un livre court mais dense qui traite avec à la fois beaucoup de profondeur et d’humour de nombreux sujets. En voici quelques-uns.
Le titre. Il pourrait être celui, anodin, d’un conte pour enfants mais il a un fondement philosophique. Sur un pont, un sage à qui l’on demande comment il sait que les poissons sont heureux, répond : « Je le sais du haut du pont ! » Cette réponse qui semble une boutade signifie que la connaissance vient de l’intérieur quel que soit le point de vue d’où l’on se place.
Le génie créatif. Beethoven composa des musiques sublimes alors qu’il était sourd. Des peintres devenus aveugles (Monet, Huang Binhong) ont peint des chefs-d’œuvre. Le génie créatif ne vient pas de l’extérieur mais de l’intérieur. Bien plus, l’extériorité est souvent un obstacle sur le chemin de la créativité. Il cite Henri Michaux : « La poésie est un cadeau de la nature, une grâce, pas un travail. La seule ambition de faire un poème suffit à le tuer. »
Littérature et psychothérapie. Simon Leys postule que la lecture est une thérapie. Lire évite dans bien des cas de consulter un psychothérapeute. « Les gens qui ne lisent pas de romans ni de poèmes risquent de se fracasser contre la muraille des faits ou d’être écrabouillés sous le poids des réalités.»
Il cite Schopenhauer : « L’art de ne pas lire est très important. Il consiste à ne pas s’intéresser à tout ce qui attire l’attention du grand public à un moment donné. […] Pour lire de bons livres la condition préalable est de ne pas perdre son temps à en lire de mauvais, car la vie est courte. »
L’art dont la littérature aide l’homme à trouver son équilibre intérieur au milieu des tourmentes du monde. La lecture et l’art en général ne sont pas des activités de substitution, de distraction ou de soustraction mais d’addition, de multiplication et de construction.
Les œuvres d’hier et d’aujourd’hui. Pour se prononcer sur la qualité d’une œuvre il ne faut pas se référer « à la signature au bas de l’œuvre mais seulement à la qualité de l’œuvre elle-même. » On hésite à juger de l’excellence ou de la médiocrité des œuvres contemporaine alors qu’on peut commenter plus facilement les œuvres anciennes : le temps fait le tri et ne laisse que le meilleur.
Méditation sur la vie et la mort. « À l’âge de soixante-dix-neuf ans, Tolstoï observait dans son journal que seuls les enfants et les vieillards vivent la vraie vie : les premiers ne sont pas encore soumis à l’illusion du temps et les seconds s’en dégagent enfin. »
Ce livre bref et simple nous donne quelques clés pour mieux comprendre la démarche que nous faisons en choisissant un livre et en l’ouvrant ou en contemplant une œuvre d’art. Ce faisant il nous permet d’être beaucoup plus libres de nos choix et de nos jugements.